L'impact de Katrina sur les médias, et celui des médias sur la catastrophe.

Publié le par Pauline, Alice et Celia

  
   La couverture médiatique de Katrina a reflété les inégalités sociales et raciales de la société américaine. Dans un article de la revue Courrier International n° 775 on peut lire sous deux photographies : des habitants de la Nouvelle Orléans marchant dans l’eau avec difficulté en portant des sacs à provision. Cependant quand il s’agit de Noirs, la légende les qualifie de pillards. Quand il s’agit de Blancs, ils ont simplement « trouvé de quoi se nourrir ».
"Looters in New Orleans feel like George W. Bush in Iraq"
(Traduction : Les pilleurs à la Nouvelle Orléans se sentent comme George W. Bush en Irak.)


   Les médias américains ont en effet diffusé, dans les premiers jours de la crise, un certain nombre de rumeurs.
Des rumeurs souvent qui se sont révélées infondé : plus de 10 000 morts annoncés, mais un décompte final de 900. Des rumeurs d’anarchie urbaine et de scènes de pillages, alors que ce sont d’abord les autorités municipales qui ont fait ouvrir les portes de certains magasins pour accéder à des denrées d’utilité immédiate. Des rumeurs de meurtres et de viols, or sur les 650 cadavres autopsiés à ce jour seuls 7 relèvent de mort violente. Soit moins que lors d’un samedi soir habituel d’après l’Institut médico-légal de la Nouvelle Orléans.

   Ces rumeurs diffusées largement par les médias, ont eu de graves conséquences. D’abord elles ont été encouragées par les autorités de la Nouvelle-Orléans dans l’espoir d’obtenir des secours plus rapides mais cela a eu l'effet inverse : les rumeurs de viols ont découragé des conductrices d’autobus a se rendre dans la ville pour évacuer la population. La Garde Nationale a du revoir à la hausse le nombre d’hommes à envoyer sur place. Bref, les rumeurs ont contribué à ralentir considérablement la mobilisation des secours.
   Aussi les médias se sont focalisés sur le thème des violences raciales et de la criminalité. Pourtant la Nouvelle Orléans est une ville où les tensions raciales étaient plutôt faibles. 53% des habitants se déclaraient très satisfaits de leurs conditions de vie (sondage Gallop 2004).
   On peut insisté sur le caractère très profond des clichés racistes dans la société américaine. Les rumeurs de viols dans le Superdome par exemple, rappellent les peurs véhiculées depuis l’époque de l’esclavage : les Noirs sont vus comme une menace pour la sécurité des Blancs. La hantise de la mixité est un trait culturel et idéologique très marqué du racisme américain. Dans les années 1960 ce thème était encore exploité dans les campagnes électorales : pour briguer le poste de gouverneur de l’Alabama, Georges Wallace avait choisi une affiche représentant une femme blanche entourée de ses enfants noirs, avec pour slogan « Voulez-vous que l’Alabama ressemble à ça dans quelques années ? ».
Les commentaires des médias sur le cyclone Katrina ont malheureusement montré que ces clichés et ces peurs sont toujours présents dans la société américaine.

   Les médias américains font aujourd’hui leur autocritique : d’une part sur les rumeurs de meurtres et d’anarchie urbaine qu’ils ont largement contribué à diffuser, d’autre part sur la question de la pauvreté, très visible à la Nouvelle Orléans après le passage du cyclone. On peut insisté sur le fait que les médias américains ne représentent d’habitude que les classes moyennes et ne se focalisent pas sur les quartiers pauvres. Ce thème revient dans l’actualité tous les trois-quatre ans en cas de crise, d’émeute urbaine... Tout se passe alors comme si les médias américains « redécouvraient » l’existence de la pauvreté et des tensions raciales dans la société américaine. Le cyclone Katrina a ainsi servi de révélateur de la fragmentation de la société américaine.

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